L’épidémie saisonnière de bronchiolite a démarré comme tous les ans en France métropolitaine à la mi-novembre. La grande majorité (environ 9 sur 10) des enfants concernés était des nourrissons de moins d’un an. Dans cette classe d’âge, cela représente ces derniers quinze jours un passage aux urgences pédiatriques sur cinq et quatre hospitalisations dans une unité de pédiatrie sur dix. Il est encore trop tôt pour dire que l’épidémie en cours touche plus de nourrissons que les années précédentes.
Cette année, l’épidémie intervient dans un contexte plus difficile car les services d’urgence, les unités de surveillance continue et de réanimation pédiatrique de recours sont saturés dans plusieurs régions. En Île-de-France, cela a provoquécesdernièressemaines au moins 25 transferts d’enfants vers les structures de soins d’autres régions françaises parfois très lointaines, faute de lits disponibles dans les unitésde réanimation pédiatrique des hôpitaux universitaires de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à Paris (Necker, Robert Debré, Trousseau) ainsi qu’à Bicêtre et Garches (R. Poincaré). Ces transferts lointains ont ainsi désorganisé le système régional de transports médicalisés urgents (SMUR pédiatriques), entrainant des délais de prise en charge allongés pour les nouveau-nés ou les enfants en détresse d’Ile de France, en raison de l’indisponibilité prolongée des équipes de SMUR loin de leur secteur d’intervention. Les familles ont été séparées de leurs enfants pendant plusieurs jours (surtout dans un contexte où les déplacements en transport en commun ou par la route sont rendus difficiles par le conflit social lié au projet de réforme des retraites).
Les difficultés rencontrées ne se limitent pas à la seule région Ile de France. Plusieurs autres grandes villes comme par exemple Lille, Bordeaux, Marseille, Toulouse et Nice ont également eu beaucoup de mal à accueillir les enfants présentant les formes les plus sévères nécessitant une assistance respiratoire par ventilation non invasive. De nombreux médias ont relaté ces graves dysfonctionnements. Plusieurs tribunes publiées dans les journaux quotidiens français ont souligné que cette situation ne faisait malheureusement que révéler l’expression spécifique des très importantes difficultés de fonctionnement observées dans les services de pédiatrie et néonatalogie, et illustrer la crise profonde que vit aujourd’hui l’hôpital public dans toutes nos régions et territoires.
Comment en est-on arrivé là ?
Depuis une dizaine d’années les lois HPST puis de modernisation du système de santé ont dégradé notre système de soins en imposant une politique de santé basée sur une réduction drastique des capacités des structures hospitalières publiques et des effectifs de soignants, inspirée par une vision avant tout technocratique et comptable. La situation que nous vivons en ce moment en Ile de France a pour origine principale une pénurie d’infirmier.e.s empêchant la direction de l’AP-HP de pourvoir une quarantaine de postes et d’ouvrir au début de l’hiver, comme le demandaient depuis plusieurs années les pédiatres hospitaliers, une partie des lits « de soins critiques » destinés aux enfants, traditionnellement fermés l’été.Au plus fort de la crise, il manquait ainsi 22 lits de ce type par rapport à ce qui aurait dû être ouvert cet hiver. Les raisons de cette pénurie d’infirmières et d’aides-soignant.e.s sont bien connues: manque d’attractivité et de considération, départs non remplacés, salaires insuffisants (le point d’indice de la fonction publique hospitalière a baissé de 20% de 1983 à 2017 alors que dans le même temps le salaire moyen en France progressait de 20 %), coût élevé du logement et des déplacements (surtout en Ile de France et dans les grandes villes).
L’abandon depuis plusieurs années de la formation aux soins en pédiatrie dans l’actuelle maquette de formation des IDE dans les instituts de soins universitaires ne facilite pas non plus le recrutement dans les unités spécialisées pour enfants à la sortie des études.
Quelles ont été les réponses des directeurs d’hôpitaux, des ARS et du Ministère de la Solidarité et de la Santé ?
En Ile de France, le directeur général adjoint de l’AP-HP a rapidement annoncé la réouverture de 15 lits et assuré que le groupe hospitalier avait mobilisé tous les moyens possibles en termes de ressources humaines pour parvenir à pourvoir les postes infirmiers hyperspécialisés manquants. Le 4 décembre, la ministre de la Solidarité et de la Santéa lancé une mission « flash » de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour tenter de résorber avant l’hiver les tensions affectant les services de réanimation pédiatriques franciliens.Cette décision maladroite et inadaptée a été très mal perçue par la majorité des pédiatres hospitaliers.
Le SNPEH considère que cette situation n’est pas acceptable !
Depuis plus de quinze ans l’ensemble des pédiatres de notre pays, et ce quel que soit leur lieu d’exercice, ont contribué à améliorer la prise en charge des nourrissons atteints de bronchiolites, à n’hospitaliser que ceux pour lesquels cela était nécessaire, à développer et rendre accessibles, sur tout le territoire national (services d’urgences pédiatriques, unités de surveillance continue/réanimation pour enfants, au cours des transferts par les SMUR pédiatriques), les méthodes modernes de ventilation non invasive pour les nourrissons présentant les formes de bronchiolite les plus graves.
Nous n’acceptons pas que le manque de personnel soignant et le trop grand nombre de postes médicaux vacants dans les structures pédiatriques remettent en cause ces progrès et leur disponibilité pour tous les enfants dans notre pays.
L’épidémie de bronchiolite n’est pas encore terminée elle devrait atteindre son maximum entre Noël et le Jour de l’An. Les épidémies de gastro-entérite et de grippe vont suivre comme chaque année.
Le SNPEH soutient, au sein de son intersyndicale INPH mais aussi en son nom propre, les principales revendications (arrêt des fermetures de lits, des effectifs adaptés dans les services, un budget largement réévalué pout l’hôpital public) proposées par les Collectifs Inter-urgences et Inter-hôpitaux et participe aux actions pour les obtenir
Pour le bureau du SNPEH
Docteur Emmanuel Cixous Docteur Jean-Louis Chabernaud
Président Vice-Président