Dans cette période d’épidémie de bronchiolite et de grandes difficultés des services de Pédiatrie, le SNPEH apporte son soutien total aux propos du Pr Rémi Salomon parus dans le Quotidien du Médecin:

Épidémie de bronchiolite : « Nous allons droit dans le mur à grands pas », selon le Pr Rémi Salomon
PAR
JULIEN MOSCHETTI –
PUBLIÉ LE 20/10/2022
Source : lequotidiendumedecin.fr

La circulation de la bronchiolite progresse rapidement en France. Huit nouvelles régions ont dépassé le seuil épidémique, selon le dernier bulletin de Santé publique France.
Président de la conférence nationale des présidents de CME de CHU et patron de la CME de l’AP-HP, le Pr Rémi Salomon pilote actuellement une enquête nationale sur le sujet, en collaboration avec la conférence des présidents de CME de CH.
LE QUOTIDIEN : Comment est-ce que l’épidémie actuelle de bronchiolite percute-t-elle les services de pédiatrie ?
Pr RÉMI SALOMON : Le problème est que les capacités d’accueil des services se dégradent en raison de la fermeture de lits. En 2019 déjà, 22 enfants avaient dû être transférés hors de la région francilienne, faute de place en réanimation. Le problème se pose aujourd’hui sur l’ensemble du territoire. Les enfants sont régulièrement transférés d’un hôpital à l’autre, parfois même à plus de 200 km. Nous avons du mal à trouver de la place car c’est saturé de partout.
C’est notamment le cas en Île-de-France, où, plus qu’ailleurs, on manque d’infirmiers. Dans la grande couronne parisienne, des pédiatres quittent aussi l’hôpital car ils ne tiennent plus. Cette vague de départs s’accélère depuis quelques mois. La charge de la permanence des soins est devenue insupportable pour eux. D’autre part, quand la salle d’attente est pleine et que vous n’arrivez pas à trouver de places d’hospitalisation, c’est très stressant pour les professionnels.
Quelles sont les régions le plus touchées ?
Dans notre enquête, nous interrogeons les professionnels pour connaître le niveau de gravité de la situation. Il n’y a quasiment aucun service qui a répondu que cela allait bien. La plupart ont répondu que la situation se dégradait.
Pire : pour 15 % des répondants, la situation était déjà dégradée et continue à se dégrader rapidement. Ce sont des services qui ne voient pas comment ils vont pouvoir tenir l’hiver. Nous allons droit dans le mur à grands pas.
Certains établissements sont plus affectés que d’autres ?
Cela tient à peu près dans les CHU pour le moment, mais les CH régionaux et généraux sont en difficulté dans de nombreuses régions. Les équipes sont de plus en plus réduites dans les services de pédiatrie et ceux qui restent se demandent comment ils vont tenir. Les professionnels ont non seulement le sentiment de ne pas pouvoir prendre en charge normalement les enfants et ils prennent des risques dans l’urgence. On observe aussi des situations à risque sur les soins programmés. On déprogramme actuellement des interventions chirurgicales lourdes, que cela soit à Necker ou ailleurs. Le pire, c’est qu’il n’y a pas de perspective d’amélioration. Et ça, c’est terrible.
Quelles solutions proposez-vous ?
Il faut revaloriser significativement la permanence des soins (la nuit, le week-end et les jours fériés). Cette revalorisation n’était pas inscrite dans les accords du Ségur, et elle n’est pas prévue non plus dans le budget de la Sécu de 2023.
Les mesures transitoires de la mission Braun doivent être reconduites et surtout pérennisées. Le travail de nuit est très mal valorisé à l’hôpital. Les IDE perçoivent une indemnité de 1,07 euro l’heure. Et quand le médecin fait des gardes de nuit, parfois dans des conditions épouvantables, il touche à peine 240 euros.
Comment voyez-vous l’avenir ?
J’espère qu’il n’y aura pas trop de dégâts, mais je ne suis pas « tranquille ». Certes, la tension va baisser quand l’épidémie sera retombée. Mais quand les équipes sont défaites, vous ne les reconstituez pas sur un claquement de doigts ! On ne va pas sans doute pas récupérer les pédiatres qui partent travailler en libéral. Quand vous finissez à 18 heures, que vous ne faites plus de gardes, que vous avez la possibilité de travailler à temps partiel, vous ne revenez pas à l’hôpital, en particulier si les conditions de travail ne sont pas attractives. De plus, la pédiatrie n’attire plus. Dans certains endroits, jusqu’à la moitié des internes de pédiatrie prennent le droit au remords.
C’était déjà, depuis des années, une spécialité en perte de vitesse. Mais si les conditions de travail continuent à se dégrader, on va avoir du mal à garder les pédiatres à l’hôpital.