Après avoir adressé deux lettres ouvertes au président Macron, les 21 octobre et 1er décembre, restées sans réponse, le collectif de pédiatrie a lancé, avec le soutien du SNPEH, un cri d’alarme dans un communiqué de presse du 12 décembre 2022, intitulé « Au printemps, restera-t-il quelqu’un pour soigner les enfants ? » : « Nous répétons que des mesures et engagements doivent être pris en urgence afin de sauvegarder ce qui peut encore l’être, notamment l’expertise des soignants, avant que les derniers d’entre eux ne claquent la porte eux aussi et qu’il n’y ait plus personne pour soigner les enfants. ». En effet, depuis la fin du mois de septembre, les soignants, à l’hôpital comme en ville, ont pris en charge jour et nuit les nourrissons touchés par une épidémie de bronchiolite particulièrement précoce et virulente et ayant atteint des niveaux supérieurs aux épisodes des onze dernières années, ainsi que les autres enfants ayant besoin d’une prise en charge en urgence. Les soins pour les malades chroniques ont été déprogrammés pour laisser place aux victimes de cette épidémie que l’hôpital public n’a pas pu absorber.
Il aura fallu attendre le 23 décembre – bien après le début de la préparation des Assises de pédiatrie et de Santé de l’enfant (le 07/12) – pour que le président Emmanuel Macron reçoive enfin, durant une heure trente, plusieurs pédiatres et soignants membres du collectif de pédiatrie en présence de François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention et d’Adrien Taquet co-responsable des Assises de pédiatrie. Le chef de l’Etat « a tenu à les recevoir pour leur témoigner sa reconnaissance pour leur engagement sans faille « , a exprimé le fait que la santé de l’enfant « est un sujet majeur » et a réitéré sa volonté de » poursuivre des réformes structurantes pour l’hôpital et ses soignants ». Il a évoqué successivement « des mesures immédiates pour l’hôpital public » qui ont été annoncées le 6 janvier 2023 « avec comme objectif de garder les soignants et d’augmenter l’attractivité », « la notion de seuil critique pour les effectifs soignants, de modification de la tarification à l’activité (T2A) qui valorise mieux la pédiatrie ». Le choix sémantique du président de ne pas utiliser le mot ratio en dit long sur ses véritables intentions…
Actuellement, les professionnels de pédiatrie sont confrontés de plein fouet non plus à une seule épidémie, mais à trois : bronchiolite, Covid-19 et grippe. Même si le pic de l’épidémie de bronchiolite est passé, le nombre de cas pour dix mille consultations reste très élevé et les hospitalisations pour bronchiolite représentent près de la moitié des hospitalisations des enfants de moins de 2 ans, ce qui a mis en forte tension les services de pédiatrie pendant les vacances de Noël. De plus, l’épidémie de gastro-entérite à rotavirus a, comme tous les ans, débuté.
Cette surcharge de travail oblige les pédiatres hospitaliers à ne faire que du soin somatique et technique, aux dépens de la prévention et du repérage des problèmes de santé mentale et sociaux qui s’aggravent nettement avec des drames qui se multiplient.
Patients, parents et professionnels se retrouvent à vivre ensemble l’enfer des urgences comme cela se voit aussi dans les services d’urgences « adultes » ou générales. Nous accueillons les patients et travaillons dans des conditions indignes de ce que l’on peut attendre du système de santé d’un pays «développé» et «riche» comme le nôtre. Les patients atteints de pathologies chroniques voient leurs prises en charges retardées avec toutes les conséquences pronostiques et de simple confort de vie que cela implique.
Jusque-là, les seules décisions prises par le ministère de la Santé et de la Prévention ont été la publication, le 17 novembre, d’une circulaire annonçant la prolongation de l’augmentation de 50% de l’indemnité de garde (non revalorisée depuis des décennies) des médecins. Deux arrêtés au journal officiel du 12 décembre 2022 (applicables à partir du 1er décembre) ont ainsi instauré une majoration, pour l’ensemble des professions de soins critiques, de l’indemnité des heures de nuit et des gardes ainsi que la généralisation de la prime de soins critiques à partir d’octobre 2022. Cette majoration doit être pérennisée, comme l’a annoncé le Président. Pour les médecins, le temps de travail additionnel (rémunéré au rabais, moins que le temps de travail normal) et les astreintes ont été oubliées.
Aucune des autres mesures urgentes d’attractivité exigées par le collectif de pédiatrie et le SNPEH (cf notre précédent communiqué de presse du 14 novembre) consistant essentiellement à réouvrir des lits, à recruter des personnels formés, à revaloriser les salaires, ainsi qu’à augmenter le nombre d’internes formé(e)s au moins de 300 à 600 par an, n’ont été prises. Certaines mesures structurelles à la Pédiatrie pourraient bénéficier des Assises mais la méthodologie jusqu’ici floue nous rend dubitatifs.
Le SNPEH, syndicat des pédiatres hospitaliers, membre d’APH, exige en urgence pour les pédiatres comme pour les autres PH :
• L’ouverture du chantier de la permanence des soins, dont le volet financier devra comporter une revalorisation pérenne et rétroactive :
– des indemnités de gardes, identiques pour tous les praticiens quel que soit leur statut, à 744 € brut par garde, comme cela est le cas pour les hospitalo-universitaires,
– du temps de travail en astreinte et du temps de travail additionnel : 650 € bruts pour 5h de travail supplémentaire.
• Un décompte juste et loyal du temps de travail, en heure ou en demi-journée au choix du praticien, obligation rappelée récemment par le Conseil d’Etat ;
• Le reclassement équitable de tous les praticiens hospitaliers nommés avant octobre 2020, avec attribution de 4 ans d’ancienneté, comme pour les nouveaux nommés.
Il est plus que temps que le ministère de la Santé et de la Prévention s’engage à réaliser un travail de fond sur tous ces points, en particulier sur la permanence des soins, en concertation avec les organisations représentatives des praticiens hospitaliers, faute de quoi la fuite des praticiens hospitaliers va se poursuivre.
Les quelques annonces qu’a faites le président de la République Emmanuel Macron, vendredi 6 janvier, lors de la présentation de ses vœux aux professionnels de santé au Centre Hospitalier Sud Francilien (CHSF) de Corbeil-Essonnes, ne nous ont pas convaincus.
Pour le bureau du SNPEH, Dr Emmanuel CIXOUS, président et Dr Jean-Louis Chabernaud, vice-président.