Nous relayons ce communiqué important de la SFN sorti dans « Le Monde » et HOSPIMEDIA

https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/09/alerte-sur-les-services-de-soins-critiques-pour-les-nouveau-nes_6193220_3224.html#xtor=AL-32280270-%5Bdefault%5D-%5Bios%5D

Alerte sur les services de soins critiques pour les nouveau-nés

Selon un audit réalisé par la Société française de néonatologie, près de la moitié des services de soins intensifs et de réanimation qui accueillent les nouveau-nés malades ou très vulnérables font état de taux d’occupation supérieurs à 95 %.
Par Camille Stromboni Publié 9 octobre à 05h15
« Nous avons le sentiment que les nouveau-nés, en particulier malades, ne comptent pas ! » L’alerte lancée par des médecins des services de néonatologie s’appuie sur l’état des lieux que vient de dresser la Société française de néonatologie (SFN).
Selon un audit qui doit être rendu public dans les prochains jours, les services de soins critiques qui accueillent les nouveau-nés malades ou très vulnérables (grande prématurité, malformations congénitales, pathologies liées à un accouchement compliqué…) se trouvent dans un état « très préoccupant ».
Nombre de lits insuffisant, taux d’occupation extrêmement élevés, infirmiers en sous-effectif… Les données compilées pour la première fois par cette société savante, à partir de plusieurs enquêtes – l’une datant de février, l’autre de juin – permettent de mettre la lumière sur ce secteur ultra-spécialisé, bouleversé lui aussi par la crise structurelle qui secoue l’hôpital.
Plus des quatre cinquièmes des quelque soixante-dix (70) services qui disposent de soins intensifs et réanimation (dits de type 3) ont témoigné de leur situation.
Si la réanimation pour adultes est apparue sous le feu des projecteurs durant la crise liée au Covid-19, de même que la réanimation pédiatrique à l’hiver 2022 lors de l’épidémie de bronchiolite, la néonatologie, qui prend en charge les nouveau-nés en danger vital à leur naissance ou nécessitant une surveillance continue, reste souvent dans l’ombre.
Il est pourtant des indicateurs qui inquiètent : la mortalité infantile est en hausse, rappelle en introduction la SFN. « A l’opposé de ce qui est observé dans de nombreux pays occidentaux, où elle continue de baisser, la mortalité infantile augmente en France depuis 2012. Le pays a reculé de la 3e à la 20e position en Europe. » Cet « excès » de mortalité chez les enfants de moins de 1 an est en grande partie dû à un « excès » de mortalité néonatale, rappelle la note : « Le premier mois de vie concentre 74 % des décès. »
Parmi les hypothèses avancées figurent la hausse de l’âge des mères au moment de l’accouchement ou encore celle des grossesses multiples, mais difficile de ne pas interroger l’état du système de soins.

« Pression énorme sur les équipes »
Premier constat qui apparaît dans la note de quatre pages : l’offre de soins critiques néonatals « reste insuffisante », malgré la baisse de la natalité ces dernières années. Le nombre de fermetures de lits dues au manque de personnel paraît pourtant limité : en juin, ces fermetures ont touché en moyenne 5 % des quelque 1 500 lits du secteur.
« Mais les pratiques de soins et le profil des bébés que nous prenons en charge ont évolué, souligne Elsa Kermorvant, vice-présidente de la SFN, qui a coordonné cet audit. Avec les progrès médicaux, des bébés naissent aujourd’hui avant vingt-six semaines de grossesse et requièrent une prise en charge lourde. Nous avons aussi des mamans plus nombreuses à poursuivre une grossesse en cas de malformations graves. Nous avons, enfin, une évolution de la philosophie des soins avec la volonté de respecter l’enfant dans ses rythmes, de mieux accompagner les parents… Tout cela demande du temps. »
Dans tous les services, le taux d’occupation moyen des lits vient confirmer cette forte tension : il varie entre 91,3 % et 93,8 %, selon des enquêtes menées entre 2021 et 2023.
En 2023, près de la moitié des réponses font état d’un taux d’occupation supérieur à 95 %. Les effets sont connus : des taux d’occupation élevés sont associés à une augmentation du risque de morbidité sévère et de mortalité chez les grands prématurés, rappelle la note de la SFN.
Près d’un quart des services déclarent « refuser régulièrement des entrées faute de place ». Une façon, même si le mot n’apparaît pas dans la note, de témoigner d’un tri parfois plus strict à l’entrée. « Il y a une pression énorme sur les équipes, rapporte la professeure Elsa Kermorvant, qui est aussi chef adjointe de service à l’hôpital Necker.
On joue sans arrêt aux chaises musicales pour répartir les nouveau-nés qui en ont besoin, on fait sortir un bébé de réanimation plus vite qu’on ne le voudrait, on transfère vers d’autres hôpitaux… Mais ce n’est pas possible de décaler des naissances quand elles arrivent à terme. »
Sous-effectif infirmier
Second zoom effectué dans la note de la SFN, du côté des ressources humaines : 72 % des services rencontrent des difficultés pour assurer la permanence des soins, avec au moins un poste de pédiatre néonatologiste vacant ; deux postes ou plus pour près de la moitié des services.
Mais c’est la ressource infirmière qui paraît la plus en souffrance, dans cette spécialité où l’on considère que deux ans d’expérience sont nécessaires pour atteindre un niveau de compétence suffisant. Près de 80 % des services comptent au moins un tiers d’infirmiers n’ayant pas ce bagage.
En posant la grille de calcul utilisée au Québec – souvent cité comme une référence – pour évaluer la charge de soins en néonatologie, il ressort que 70,5 % des journées dans ces services se font en sous-effectif infirmier.
En utilisant les ratios français, fixés par les décrets de 1998 (soit un infirmier pour deux lits en réanimation ; un infirmier pour trois en soins critiques), le sous-effectif concerne 58,8 % des journées. « Ces décrets sont devenus totalement inadaptés à la charge de soins », pointe la professeure Kermorvant, qui appelle à une « révision urgente de l’organisation des soins critiques en néonatologie ».
Sans réponse, jusqu’ici, de la part du ministère de la santé.

Camille Stromboni

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